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FEUILLE DE ROUTE VERS LA REPRISE : PRINCIPES D’ORIENTATION POUR RÉDUIRE LES ENGORGEMENTS ET LES DÉLAIS JUDICIAIRES

Déclaration du Comité d’action

Notre comité existe afin d’appuyer les tribunaux canadiens dans leurs efforts en vue de protéger la santé et d’assurer la sécurité de tous les usagers des tribunaux dans le contexte de la COVID-19 tout en respectant les valeurs fondamentales de notre système de justice. Ces engagements qui se soutiennent mutuellement guident tous nos efforts.

ENJEU ET CONTEXTE

La justice doit être rendue en temps opportun afin de promouvoir l’accès à la justice et l’équité procédurale, même en temps de crise. Le système de justice canadien n’en est certes pas à ces premiers engorgements et délais judiciaires, mais la pandémie de COVID-19 a intensifié les difficultés préexistantes en obligeant les tribunaux partout au pays à reporter d’importants nombres de dossiers criminels, civils et familiaux. Par conséquent, les juges et le personnel judiciaire des quatre coins du pays ont, à des degrés divers, signalé la nécessité pour les tribunaux de mettre en œuvre des stratégies proactives et efficaces à court terme afin de pouvoir traiter les affaires rapidement, équitablement et efficacement pour toutes les parties prenantes concernées.

Des données anecdotiques attestent que les tribunaux de première instance ont été touchés de façon disproportionnée par les ajournements et les délais. La plupart des cours d’appel ont été en mesure de maintenir en grande partie leur niveau d’activités, tandis que d’autres ont connu une baisse du nombre d’affaires pendant la pandémie; cette situation pourrait s’expliquer, du moins en partie, par le fait que de nombreuses affaires ont été retenues au niveau des tribunaux de première instance et n’ont pas pu se rendre jusqu’à l’étape de l’appel. Par conséquent, les tribunaux de première instance chercheront à réduire leur charge de travail actuelle et tout débordement prévu de litiges qui pourraient découler de problèmes liés à la pandémie, alors que les cours d’appel pourraient vouloir se préparer en vue d’une augmentation possible du volume de causes dans un avenir rapproché.

Bien que la réduction à plus long terme des délais puisse exiger de tenir compte de considérations plus larges liées à la réforme juridique, aux ressources institutionnelles et technologiques et aux solutions de rechange aux litiges formels, les tribunaux peuvent réaliser des gains d’efficience importants dans les cadres existants, en favorisant à plus court terme un changement de culture parmi tous les participants au système de justice; de tels gains peuvent, à leur tour, atténuer certains manques à combler en matière de cadres juridiques ou institutionnels et de ressources.

Dans cette optique, le présent document présente des principes d’orientation et des mesures concrètes que les tribunaux pourraient prendre en considération dans le cadre de leur planification ou de l’amélioration de leurs propres stratégies visant à réduire l’engorgement et les délais dans un contexte de reprise graduelle des activités des tribunaux.

La présente orientation non normative met l’accent sur les stratégies immédiates pouvant être mises en œuvre compte tenu des ressources actuelles et des cadres juridiques existants pour maîtriser ou réduire l’engorgement et les délais dans les affaires dont sont déjà saisis les tribunaux. Elle est conçue de façon à s’adapter à divers types d’affaires, y compris les causes criminelles, civiles et familiales. Elle vise à encourager la discussion et l’innovation continuelles tout en favorisant la flexibilité pendant que les tribunaux continuent à répondre aux incidences sur leurs activités causées par la pandémie, et en ressortent graduellement.

Il est important de noter que ce document ne vise pas : à remplacer les lois, les règles ou les directives de pratique applicables, ni à assurer la conformité à celles-ci; à examiner l’incidence quantitative ou qualitative de la pandémie sur les délais judiciaires et les répercussions qui en découlent sur le système de justice et ses participants; à évaluer le caractère raisonnable des délais judiciaires ou des mesures de prévention ou d’atténuation adoptées ou adaptées en réponse à la pandémie, ni à s’immiscer dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire des juges responsables de l’administration de la justice dans leurs tribunaux ou leurs ressorts respectifs. De nombreux éléments peuvent légitimement influer sur l’approche propre à chaque tribunal, notamment les cadres juridiques applicables, les mesures changeantes de santé publique, la disponibilité de la technologie et d’autres ressources, ainsi que les besoins particuliers des collectivités locales.

DÉFINITIONS DE CONCEPTS-CLÉS

Bien que les définitions puissent varier légèrement d’un ressort à l’autre, dans le cadre du présent document et sauf indication contraire du contexte, les termes suivants devraient être interprétés avec souplesse comme suit :

  • Le terme « affaire » ou « cause » désigne généralement un dossier particulier présenté au tribunal et mettant en cause des parties opposées, comme R. c. Accusé (criminel), Conjoint c. Conjoint (famille), ou Plaignant, Demandeur ou Requérant c. Défendeur (civil).
  • Le terme « engorgement » s’entend généralement d’un plus grand nombre d’affaires portées devant les tribunaux que le nombre d’affaires réglées au cours de la même période.
  • Le terme « délais » peut, selon le contexte, désigner : 1) le temps qu’il faut pour faire progresser une affaire devant un tribunal donné (p. ex., tribunal de première instance ou cour d’appel) de la première comparution à la décision finale, ou 2) les éléments ou événements qui prolongent la durée de traitement d’une affaire au-delà du temps auquel on pourrait raisonnablement s’attendre dans les circonstances.
  • Le terme « juges » peut, selon le contexte, comprendre des magistrats, des juges de paix, des juges adjoint.e.s et d’autres personnes qui remplissent des fonctions juridiques de nature semblable.

PRINCIPES D’ORIENTATION

Il n’y a pas de solution unique ou instantanée pour réduire l’engorgement et les délais judiciaires causés par la pandémie. En conséquence, les tribunaux pourraient envisager une stratégie à volets multiples qui regroupe l’ensemble ou certains des principes et des domaines d’intervention suivants, afin d’optimiser l’efficacité globale.

Principes fondamentaux

Dans l’élaboration et la mise en œuvre de toute stratégie pour réduire les engorgements et les délais judiciaires, les principes suivants peuvent servir à promouvoir une approche efficace, axée sur les utilisateurs et leurs besoins :

  1. Utiliser des stratégies de leadership et de gestion du changement pour réaliser un changement de culture
  2. Répondre aux besoins diversifiés des participants au système de justice
  3. Mesurer et surveiller les délais et les engorgements pour évaluer les progrès et l’efficacité
  4. Favoriser la responsabilisation des parties et de leurs avocats
  5. Encourager et structurer la collaboration entre les divers intervenants

Principes opérationnels

Les principes suivants misent sur certains processus opérationnels qui pourraient être optimisés en vue de réduire les engorgements et les délais judiciaires en pratique :

  1. Mettre en œuvre d’emblée et de façon continuelle des pratiques de gestion d’instance robustes et uniformes
  2. Favoriser un règlement judiciaire ou extrajudiciaire rapide des différends
  3. Optimiser les pratiques de fixation d’audiences
  4. Éliminer les comparutions inutiles devant les tribunaux
  5. Optimiser les processus de gestion du volume de causes et éliminer les inefficacités administratives
  6. Partager ou mettre en commun les ressources judiciaires

Ces principes fondamentaux et opérationnels sont complémentaires et peuvent parfois se chevaucher. Ils misent sur l’optimisation des ressources disponibles, des processus et des rôles et responsabilités des différents intervenants du système judiciaire. Un accent particulier est mis sur l’allocation proportionnelle des ressources judiciaires en fonction de la complexité et de l’importance relatives d’une cause, tout en tenant compte des besoins concurrents reliés à d’autres causes. Les principes suivants peuvent s’appliquer dans une gamme de situations ou à différentes étapes d’une cause.

1. Utiliser des stratégies de leadership et de gestion du changement pour réaliser un changement de culture

Tout comme l’expérience vécue au long de la pandémie, les stratégies prospectives visant à remédier aux engorgements et aux délais judiciaires causés par la COVID-19 sont susceptibles d’impliquer des changements majeurs et rapides. Dans de telles situations, l’adoption d’une approche de leadership et de gestion du changement est cruciale pour promouvoir l’adhésion des parties prenantes et prévenir la « lassitude liée au changement » qui pourrait autrement compromettre la réussite de toute mesure ou de tout processus nouvellement adoptés ou révisés.

  • Le « leadership du changement » définit une vision d’avenir et guide l’organisation vers cette vision.
  • La « gestion du changement » soutient les personnes concernées tout au long du processus de changement en s’assurant qu’elles comprennent ce qui justifie le changement, qu’elles soient suffisamment consultées à son égard et qu’elles aient les compétences et les connaissances requises pour bien fonctionner pendant sa mise en œuvre.

Lorsqu’ils conçoivent une stratégie de réduction des engorgements et des délais judiciaires, les tribunaux devraient d'abord définir ce qu'ils cherchent à atteindre, comprendre leur point de départ, élaborer et prioriser les options permettant d'atteindre leur objectif, et déterminer qui doit être impliqué et qui en sera affecté. Il est essentiel de s'appuyer sur un fondement solide. Pour ce faire, il convient de revoir les processus existants pour tirer parti de ce qui fonctionne et repenser ce qui ne fonctionne pas, plutôt que de simplement reproduire les inefficacités dans de nouveaux contextes tels que les environnements virtuels.

À toutes les étapes, les tribunaux devraient prévoir des processus permettant aux personnes concernées d'exprimer leurs préoccupations avant le fait – et non seulement après-coup – et de participer à la recherche de solutions au fur et à mesure du déroulement du processus. Une communication ouverte et réciproque, ainsi que l'empathie à l'égard des difficultés ou des frustrations des gens, peuvent être très utiles. Cette approche itérative garantira que les stratégies sont conçues en tenant compte de l'utilisateur final, et rendra les personnes concernées plus aptes et disposées à s'adapter aux nouvelles réalités et aux nouveaux modes de fonctionnement. Commencer à petite échelle – par exemple avec un projet pilote régional – peut être un moyen utile de contrôler, d'évaluer et d'ajuster une nouvelle mesure avant d’étendre sa portée ou de l’adopter de façon permanente.

Pour des renseignements supplémentaires sur le leadership et la gestion du changement dans le contexte judiciaire, voir les Principes d’orientation du Comité d'action : Leadership et gestion du changement au sein des tribunaux.

2. Répondre aux besoins diversifiés des participants au système de justice

Le défaut de prévoir et de répondre de façon proactive aux besoins particuliers des différents participants au système de justice pourrait nuire à l’accès à la justice, mobiliser disproportionnellement les ressources judiciaires au quotidien, et causer des délais involontaires. Ainsi, toute stratégie efficace de réduction des engorgements et des délais judiciaires devrait comprendre une évaluation des besoins des différents participants et des solutions pour y répondre en pratique. Une attention spéciale devrait être accordée aux besoins des justiciables non représentés qui doivent surmonter les complexités du système de justice, ainsi qu’à différents groupes de personnes marginalisées qui sont confrontées à des obstacles systémiques d’accès à la justice et aux services judiciaires.

Les justiciables non représentés

Les justiciables non représentés sont souvent désavantagés parce que leur connaissance de la loi, leur compréhension du système juridique et leur familiarité avec les processus judiciaires sont limitées. Le fait d’établir des outils accessibles et des processus proactifs pour informer et soutenir d’un point de vue procédural ces justiciables lors des étapes cruciales de leur cause pourrait réduire substantiellement la pression sur le personnel judiciaire et minimiser le temps perdu devant les tribunaux. À l’inverse, l’absence de tels outils ou processus pourrait accentuer la pression sur le personnel judiciaire qui doit constamment venir en aide individuellement aux justiciables sur les mêmes questions, et mener à des ajournements répétés pour permettre aux justiciables d’effectuer les démarches nécessaires pour faire avancer leur cause.

Voici des exemples d’outils pratiques qui peuvent offrir un soutien proactif et efficace aux justiciables non représentés :

  • Renseignements à jour formulés en langage simple, comme des fiches d’information, des foires aux questions et des guides – voir, par exemple, les manuels du Conseil canadien de la magistrature pour les parties non représentées en droit pénal, endroit civilet endroit de la famille
  • Formulaires de cour simplifiés ou automatisés qui comprennent des instructions faciles à suivre, étape par étape
  • Avis ou directives de pratique adaptés aux justiciables non représentés
  • Agents-pivot ou de navigation pour venir en aide aux justiciables non représentés par rapport à certaines procédures

Autres groupes d’intérêt particulier

En plus des justiciables non représentés et des personnes marginalisées, les communautés ayant des besoins diversifiés peuvent comprendre les communautés mal desservies ou éloignées, les autochtones, les communautés linguistiques minoritaires, les personnes LGBTQ2+ et les personnes en situation de handicap physique ou intellectuel.

Le fait de comprendre comment chacun de ces groupes de personnes interagit avec le système judiciaire et à quels obstacles ils se confrontent est essentiel à l’élimination de tels obstacles. Pour plus de renseignements sur l’incidence de la pandémie sur certains de ces groupes, y compris les défis et solutions qui s’y rapportent, veuillez consulter les publications du Comité d’action sur l’Accès à la justice pour les personnes marginalisées, Rétablir les activités judiciaires dans les communautés nordiques, éloignées et autochtones, les Besoins d’interprétation et de traduction des usagers des tribunaux, et l’Accès aux programmes des tribunaux spécialisés qui soutiennent les participants au système de justice aux prises avec des problèmes de toxicomanie ou de santé mentale et d’autres facteurs de marginalisation.

En tout temps, et encore davantage en temps de crise (p. ex. lors d’une pandémie), il est important de faire preuve de patience, d’empathie et de flexibilité envers tous les usagers des tribunaux qui peuvent souffrir d’anxiété ou de stress émotionnel ou vivre des difficultés personnelles. De tels facteurs peuvent affecter leur comportement et parfois nuire à leur capacité ou à leur volonté de participer au processus judiciaire. Ces effets peuvent être particulièrement marqués chez les personnes marginalisées.

Considérations spéciales liées à la technologie

L’utilisation de la technologie pour tenir des audiences et offrir des services peut améliorer l’accès à la justice pour certains, alors qu’elle peut le rendre difficile pour d’autres. Pour les personnes qui ont de la difficulté à se rendre à la cour en personne en raison de questions liées au transport, à la garde d’enfants, à la mobilité physique, à une santé fragile ou à l’anxiété, les audiences et les processus à distance peuvent faciliter leur participation au processus judiciaire.

À l’inverse, les individus qui n’ont pas un accès approprié à la technologie ou ne sont pas à l’aise avec son utilisation dans le cadre des audiences ou des processus judiciaires peuvent faire face à des obstacles supplémentaires. Ces individus auront besoin d’un soutien accru afin de pouvoir accéder à la technologie et l’utiliser, ou bien ils devront se voir offrir des solutions de rechange en personne pour pouvoir continuer d’accéder à la justice. De telles considérations devraient faire partie intégrante de toute stratégie ou mesure axées sur la technologie pour réduire les engorgements et les délais.

3. Mesurer et surveiller les délais et les engorgements pour évaluer les progrès et l’efficacité

L’adoption de systèmes de mesure et d'indicateurs normalisés pour surveiller la progression de différents types de causes peut servir à déceler les tendances dans l’ensemble du ressort ou à l’échelle locale. Ces tendances pourraient révéler les causes sous-jacentes ou les facteurs contributifs d’engorgements et de délais. Ainsi, de tels outils peuvent aider à comprendre l'origine et la portée des engorgements et délais, et à suivre les progrès et les résultats au fur et à mesure que différentes solutions sont mises en œuvre.

Les politiques et les décisions fondées sur des données concrètes sont des éléments-clés. En effet, en cernant les secteurs de problèmes potentiels qui pourraient nécessiter une intervention, les tribunaux seront mieux placés pour sélectionner et prioriser des mesures adaptées à ces problèmes et pour évaluer l'efficacité de toute mesure nouvellement adoptée ou adaptée. Ainsi, afin de s'attaquer efficacement aux engorgements et aux délais, les tribunaux pourraient envisager d'adopter : 1) une définition normalisée d’engorgements et de délais, et 2) des outils de mesure et de surveillance – tels des systèmes électroniques de gestion de dossiers, des indicateurs de succès préétablis et des processus pour recueillir la rétroaction des personnes concernées.

Bien que de tels systèmes et indicateurs puissent varier selon les besoins particuliers de chaque ressort, on compte parmi leurs fonctionnalités utiles la capacité de :

  • surveiller différents types de dossiers au sein d’une catégorie générale—par exemple, par type d’infraction en matière criminelle ou par type de recours en matière civile;
  • surveiller les échéanciers et les délais moyens dans différents types de dossiers;
  • repérer les dossiers qui excèdent un certain délai et qui pourraient devoir être priorisés;
  • faire ressortir d’emblée les besoins spéciaux—par exemple, signaler les dossiers qui impliquent des justiciables non représentés ou qui requièrent un interprète, afin de permettre au tribunal de diriger de façon proactive ces justiciables vers les renseignements ou les services requis et d’allouer des ressources en fonction des besoins constatés;
  • produire des rapports statistiques internes ou publics qui comprennent différents niveaux de détails, selon le public cible;
  • ventiler les données selon différentes catégories—par exemple par type de dossier, par région, par communautés urbaines ou éloignées, ou selon les besoins particuliers des justiciables concernés;
  • recueillir des données qualitatives pour permettre d’interpréter ou de contextualiser les données statistiques—par exemple, par voie de sondages ou de processus consultatifs.

4. Favoriser la responsabilisation des parties et de leurs avocats

L’établissement du rythme des litiges et l’application des bonnes pratiques dépendent du leadership judiciaire. En d’autres mots, les juges jouent un rôle important dans la promotion de la bonne administration de la justice en veillant à ce que les parties respectent non seulement les règles et les processus judiciaires, mais agissent aussi de façon raisonnable dans les circonstances et respectent leurs engagements pour faire en sorte que chaque affaire se déroule efficacement. En tant qu’officiers de la justice, les avocats sont tenus de faciliter la bonne administration de la justice, une exigence qui est habituellement enchâssée dans leurs codes de déontologie professionnelle et qui peut faire l’objet de rappels au besoin. Pour les parties non représentées, les juges peuvent devoir, dans un esprit d’équité globale, établir clairement la marche à suivre et les attentes afin de faciliter le processus et de favoriser la responsabilisation tout en faisant preuve de flexibilité.

Pratiques prometteuses pour favoriser la responsabilisation

Il y a plusieurs façons de favoriser la responsabilisation des parties. Parmi les pratiques prometteuses, citons les suivantes :

  • Consulter les barreaux locaux avant d’adopter des règles, des politiques ou des directives de pratiques nouvelles ou révisées qui régissent les obligations des avocats, en vue d’en favoriser l’acceptation;
  • Exiger des parties qu'elles respectent les échéanciers et les engagements pris par écrit ou consignés au dossier;
  • Établir des durées d'audience réalistes et les faire respecter sous réserve de circonstances exceptionnelles;
  • Placer sur les parties le fardeau d'informer à l'avance le tribunal – dans un délai et selon une procédure spécifiés – de toute circonstance susceptible d'entraîner l'annulation, le report ou le changement de la durée d'une audience, et de justifier toute demande d'ajournement ou autre;
  • Sous réserve de l'équité procédurale, refuser les demandes d'ajournement non fondées, inopportunes, répétitives ou attribuables à un manque de préparation;
  • Définir clairement les processus et les attentes pour les justiciables non représentés, et les orienter vers les ressources ou les services appropriés :
    • Par exemple : fixer un délai pour que le justiciable communique avec l'aide juridique, l'informer spécifiquement sur les démarches à entreprendre, expliquer les conséquences potentielles de ne pas s’y conformer dans le délai fixé, lui demander de reformuler ce qu'il a entendu pour s’assurer qu’il a compris et lui donner l'occasion de poser des questions.

5. Encourager et structurer la collaboration entre les divers intervenants

Toute stratégie efficace de réduction des engorgements et des délais judiciaires comprend habituellement un élément de collaboration entre les intervenants concernés, le tout dans le respect de l’indépendance judiciaire. Il en est ainsi parce qu’un grand nombre de personnes sont impliquées dans le processus judiciaire ou en sont touchées, et que bien d’autres ont un rôle de soutien important à jouer pour contribuer à faire avancer le processus de façon juste et efficace.

Pour développer une collaboration entre les intervenants concernés, il faut déterminer quelles personnes sont touchées par une mesure quelconque, comprendre leurs besoins et leurs perspectives, et les inclure dans l’élaboration de solutions dès le départ ainsi qu’à toutes les étapes-clés. Ces personnes peuvent comprendre les justiciables et leurs familles, les victimes, les témoins, les professionnels juridiques et les personnes de soutien.

La collaboration entre les intervenants concernés implique aussi de cerner les ressources et les expertises disponibles au sein du secteur de la justice et de la collectivité, et d’en tirer profit. Cela pourrait comprendre les barreaux des secteurs public et privé, les associations juridiques, l’aide juridique et les avocats de garde, les aides judiciaires, les services aux victimes, Ies travailleurs autochtones ou les aînés, ainsi que les organismes communautaires ou culturels qui fournissent un soutien ou des services aux participants au système de justice ou qui peuvent aider le tribunal à comprendre les besoins diversifiés des collectivités qu’il sert.

Une collaboration structurée peut contribuer à cerner les attentes, à définir les rôles et les responsabilités des intervenants respectifs s’il y a lieu, et à renforcer la communication et les partenariats, tout en améliorant les services de justice pour les usagers des tribunaux. Parmi les exemples de collaboration structurée, citons les comités consultatifs et les groupes de travail permanents et spéciaux; les initiatives de consultation et de diffusion d’information telles les assemblées locales ou les sondages; et l’adoption d’outils de pratique ou de communication, tels les cadres d’activités, les protocoles d’entente ou autres, et les termes de référence.

La pandémie de COVID-19 a révélé les avantages d’une collaboration préexistante entre différents intervenants et favorisé l’établissement de nouvelles relations de travail collaboratives. Bon nombre d’entre elles pourraient survivre à la crise sanitaire et offrir un terreau fertile pour réduire les engorgements et les délais judiciaires. Par exemple :

  • Tirer profit des Comités de liaison existants entre la magistrature et le barreau ou créer de nouveaux comités consultatifs pour discuter des protocoles ou des directives de pratique de la cour avant leur adoption et pouvoir les ajuster en cours de route, et pour partager des renseignements à jour sur l’état et les incidences des activités judiciaires;
  • Créer des groupes de travail pour minimiser les engorgements et les délais judiciaires, et favoriser la transition vers de nouveaux processus, comme les audiences virtuelles;
  • Établir des protocoles de communication pour informer les professionnels juridiques, les usagers des tribunaux et le public quant à l’évolution du statut des activités judiciaires;
  • Renforcer les liens entre les juges et entre le personnel judiciaire dans différentes régions en vue de détecter les besoins urgents ou évolutifs à l’échelle locale et les ressources disponibles qui pourraient être déployées rapidement pour y répondre soit en personne, soit à distance.

6. Mettre en œuvre d’emblée et de façon continuelle des pratiques de gestion d’instance robustes et uniformes

La gestion d’instance est un outil essentiel pour assurer une saine administration de la justice et pour prévenir ou réduire les engorgements et les délais judiciaires.

  • La « gestion d’instance » implique une intervention structurée par des juges désignés ou des fonctionnaires délégués, dès le départ et à diverses étapes, pour faire avancer efficacement les causes individuelles au sein du système judiciaire, et ce, dans l'intérêt de toutes les personnes concernées et de l'administration de la justice.

Raison d’être de la gestion d’instance

L'objectif de la gestion d’instance est soit d’orienter rapidement une cause vers un règlement judiciaire ou extrajudiciaire, s’il y a lieu, soit de cibler les enjeux dès que possible sur ce qui est raisonnablement nécessaire pour décider de la cause. Une telle détermination vise à allouer le temps et les ressources du tribunal de manière proportionnelle à la complexité et à l'importance relatives d'une cause individuelle, en tenant compte des besoins concurrents liés à d'autres causes ou au volume total de causes du tribunal. L'importance relative d'une cause peut dépendre de ses conséquences potentielles sur les parties, sur d'autres personnes concernées comme les victimes en matière pénale ou les enfants en matière familiale, sur l'intérêt public, ou sur l'état du droit ou du système judiciaire en général. La complexité relative d'une cause peut dépendre des questions juridiques en litige, du nombre de parties et de témoins impliqués, et du type de preuve anticipée, par exemple si elle est de nature hautement technique ou spécialisée.

Adaptabilité de la gestion d’instance

Plus une cause est importante et complexe, plus la gestion d’instance structurée et continue s’avère nécessaire pour garantir des résultats équitables, rapides et efficaces. Mais même les causes les plus simples pourraient bénéficier d'une approche fondée sur la résolution de problèmes qui s’inspire des caractéristiques de la gestion d’instance à chaque étape du processus. En fait, chaque comparution offre une occasion d'appliquer concrètement les principes de gestion d’instance en définissant des objectifs et attentes clairs, en suivant les progrès de manière proactive et en obligeant les parties à respecter leurs engagements. Ainsi, les juges peuvent promouvoir la responsabilisation et prévenir les comparutions inutiles ou les audiences trop longues.

Portée de la gestion d’instance

Bien que les spécificités puissent varier en fonction du type de cause et de sa complexité, la gestion d’instance consiste généralement à mener des enquêtes détaillées, à fixer et à faire respecter des objectifs et des délais mesurables, à obtenir des engagements formels de la part des parties et à rendre des ordonnances au besoin pour explorer les options de règlement ou circonscrire la portée et la durée des requêtes préalables au procès ainsi que des procès eux-mêmes. Par exemple, on vise à :

  • déterminer les questions spécifiques à trancher par le tribunal;
  • faire admettre ou accepter certains faits ou aspects de la cause;
  • réduire le nombre de témoins;
  • limiter la longueur des documents déposés ou la durée d'une audience, par exemple un procès ou une requête préalable;
  • cerner les actions requises de la part de l'une ou l'autre des parties (par exemple, divulgation de preuve, dépôt de requêtes), fixer des échéanciers d’achèvement et rechercher des engagements pour en promouvoir le respect.

Caractéristiques communes d’une gestion d’instance efficace

Bien qu'il existe plusieurs façons de gérer efficacement une cause, les stratégies réussies comportent souvent les caractéristiques suivantes :

  • Des juges ou des fonctionnaires délégués qui sont formés et désignés à la gestion d’instance et qui appliquent une approche proactive fondée sur la résolution de problèmes pour faire avancer les causes;
  • Le triage et l’intervention rapide (ou gestion hâtive) pour orienter les causes et cibler les enjeux dès le départ;
  • Des enquêtes normalisées et des contrôles périodiques pour promouvoir la cohérence et la continuité;
  • Des échéanciers, des délais et des engagements réalistes consignés au dossier ou par écrit afin de promouvoir la rapidité d’action et la responsabilisation des parties;
  • Des processus adaptés aux besoins particuliers des justiciables non représentés;
  • Une supervision centralisée pour promouvoir la continuité et la conformité dans des causes spécifiques et pour améliorer la coordination et l'allocation des ressources du tribunal en fonction de son volume total de causes;
  • Des ressources judiciaires allouées en fonction de la complexité relative et de l’importance de chaque cause, en tenant compte des besoins concurrents d’autres causes.

7. Favoriser un règlement judiciaire ou extrajudiciaire rapide des différends

Comme le savent bien les intervenants judiciaires et de la justice, il n’est ni possible ni souhaitable que toutes les causes portées devant le tribunal fassent l’objet d’un procès. Dans de nombreux cas, des mesures de règlement substitutives pourraient mener à un résultat satisfaisant pour toutes les parties et conforme à l’intérêt public, le cas échéant. Mais, trop souvent, les causes ne se règlent qu’après y avoir consacré beaucoup de temps et de ressources judiciaires, souvent le jour même du procès. Cela fait perdre au tribunal du temps précieux qui aurait pu être consacré à d’autres causes.

Le fait d’explorer les options de règlement et de trier les affaires en fonction des processus de règlement disponibles d’emblée et, si nécessaire, de façon périodique par la suite, peut minimiser le risque de règlements tardifs et de procès inutiles et ainsi contribuer à réduire les délais judiciaires. Les processus pertinents peuvent être menés par la magistrature ou des intervenants externes, comme des médiateurs accrédités ou agréés ou d’autres programmes communautaires, organismes ou personnes de confiance reconnus (p. ex. les Aînés autochtones).

En développant leur stratégie de réduction des engorgements et des délais, les tribunaux pourraient prendre acte des mesures de règlement disponibles ou même songer à créer de nouvelles options de règlement judiciaire des différends pour certains types d’affaires. En étant au fait des circonstances fréquemment reliées aux règlements tardifs, on peut mieux découvrir des secteurs d’amélioration possibles. En adoptant des processus clairs pour favoriser le règlement rapide des différends, comme des avis ou des directives de pratique, on peut mieux structurer et communiquer les options disponibles aux parties ou à leurs avocats en plus de promouvoir une approche cohérente au sein de la magistrature, le cas échéant. Cela peut réduire aussi le stress émotif des justiciables lié aux comparutions devant les tribunaux.

Facteurs de risque et mises en garde

Bien que de nombreuses causes et circonstances se prêtent bien au règlement judiciaire ou extrajudiciaire des différends, certains facteurs de risque peuvent rendre de tels règlements inappropriés ou inefficaces. Par exemple, dans certaines causes civiles ou familiales, il peut y avoir un déséquilibre de pouvoir entre les parties, particulièrement s’il y a intimidation ou une relation abusive, ou si un des justiciables n’est pas représenté par avocat. Un tel déséquilibre peut nuire de façon disproportionnée à l’une des parties ou même créer un risque pour sa sécurité. Dans certaines circonstances, de tels risques peuvent être atténués à l’aide de mesures adaptatives pour s’assurer que le processus soit équitable et sécuritaire pour toutes les personnes concernées. Par exemple, la personne responsable du processus pourrait s’assurer qu’une partie vulnérable soit accompagnée d’une personne de soutien, et pourrait énoncer clairement et faire respecter des règles de conduite fondées sur le respect.

8. Optimiser les pratiques de fixation d’audiences

Les pratiques structurées de fixation d’audiences sont des outils précieux pour optimiser l'utilisation des ressources judiciaires et minimiser les temps d'attente tant pour le tribunal que pour les participants à l'audience. Cela peut à son tour réduire l'incitation pour les avocats à surcharger leur calendrier lorsqu'ils se présentent à la cour, et promouvoir la préparation et la responsabilisation de tous les participants à l'audience, tout en réduisant les coûts et autres pressions pour les justiciables. Les pratiques structurées de fixation d’audiences peuvent intervenir à différentes étapes du processus judiciaire et prendre différentes formes en fonction des besoins particuliers du tribunal et des participants à l'audience. Les tribunaux pourraient envisager les pratiques suivantes, individuellement ou en combinaison, dans le cadre d’une stratégie globale visant à réduire les engorgements et les délais judiciaires.

Audiences échelonnées ou plages horaires réservées

La fixation d’audiences échelonnées consiste à diviser le rôle d’une salle d’audience en différents sous-rôles ou selon différentes heures de début. Utilisée de façon efficace, une telle pratique peut contribuer à trier les dossiers et à minimiser le temps d’attente pour ceux qui doivent se présenter en cour, soit en personne soit en mode virtuel. Les pratiques varient; par exemple, le rôle pourrait être divisé par plage horaire (p. ex. par heure) ou par type de procédure (p. ex. demandes sur consentement, remises pro forma, causes devant être fixées pour audience).

En complément ou comme solution de rechange aux audiences échelonnées, des plages horaires désignées pourraient être envisagées pour des avocats ou des causes sur une base individuelle, particulièrement lorsque les avocats ont un volume élevé de dossiers à traiter ou lorsque les audiences sont à durée fixe.

Parmi les pratiques utiles, citons les suivantes :

  • Trier les dossiers avant de faire l’appel général du rôle;
  • Débuter le triage avant les heures normales d’audiences pour réduire les risques ou les effets de la surcharge de calendrier des avocats qui sont attendus dans plusieurs salles de cour en même temps;
  • Établir des rôles séparés ou des plages horaires réservées aux justiciables non représentés afin de faciliter leur participation et de permettre au tribunal de leur offrir un soutien procédural sans retarder les autres causes;
  • Établir un maximum présumé de dossiers pour chaque rôle de pratique en vue d’équilibrer la charge de travail quotidienne de la cour, tout en faisant preuve de flexibilité dans des circonstances urgentes ou exceptionnelles.

Fixation de procès

Pour être efficace, la fixation de procès et d’autres audiences sur le fond devrait comprendre une couche supplémentaire de surveillance et de coordination judiciaire—en d’autres mots, une approche adaptée de gestion d’instance—afin de minimiser le risque que les causes fixées ne s’effondrent ou ne se règlent à la date d’audience et ne constituent pour le tribunal du temps perdu qu’il n’est pas toujours possible de réallouer à court préavis.

Parmi les pratiques prometteuses, citons les suivantes :

  • L’utilisation de formulaires standardisés de préparation au procès ou d’audiences pré-procès;
  • L’établissement et le contrôle de durées d’audiences réalistes;
  • Des directives claires obligeant les parties à notifier ou à faire leur demande au tribunal dans un délai prescrit, s’il y a lieu d’annuler, de reporter ou de modifier la durée d’une audience déjà fixée.

Encombrement stratégique des rôles d’audiences

Malgré les meilleurs efforts déployés par les tribunaux, un certain nombre de causes s’effondrent ou se règlent inévitablement lors de la date d’audience. Ainsi, en complément à une gestion d’instance robuste et à des processus de préparation au procès, les tribunaux pourraient songer à adopter des pratiques d’encombrement stratégique des rôles de procès ou d’audiences. L’encombrement stratégique vise à fixer un nombre de dossiers supérieur à ce que le tribunal peut entendre au quotidien afin d’éviter que les ressources judiciaires et les salles d’audience ne demeurent inutilisées en raison d’ajournements ou de règlements de dossiers à la dernière minute. Mais pour y arriver, il faut aussi prendre des mesures proactives pour prévenir les ajournements ou les continuations qui pourraient être causés par un tel encombrement. Par exemple, on pourrait prévoir des salles d’audiences de débordement et des juges sur appel qui peuvent entendre des causes supplémentaires à court préavis. Le fait de surveiller les taux et les types de dossiers qui s’effondrent ou qui se règlent souvent à la veille ou le jour même de l’audience pourrait contribuer à peaufiner ces stratégies et à améliorer l’allocation des ressources judiciaires.

9. Éliminer les comparutions inutiles devant les tribunaux

Chaque comparution au tribunal exige beaucoup de temps et d'efforts pour toutes les personnes concernées. Les juges, les avocats et les justiciables ou les témoins qui doivent comparaître ont besoin de temps pour se préparer. Le personnel judiciaire doit traiter administrativement chaque dossier avant et après chaque comparution. Pour les justiciables et les témoins, chaque comparution peut également entraîner des coûts, comme des frais juridiques, de transport, ou de garde d'enfants ou une perte de revenus en raison d’une absence au travail.

Ainsi, chaque comparution devrait viser un objectif important, réaliste et clairement articulé pour faire avancer efficacement toute affaire vers un règlement ou vers une décision finale. Une stratégie-clé pour combattre les délais et les engorgements judiciaires consiste à réduire le nombre et la fréquence des comparutions à ce qui est raisonnablement nécessaire. Cela favorise également un accès plus équitable à la justice, surtout pour les individus aux prises avec des difficultés financières, des obligations professionnelles ou personnelles concurrentes, ou qui doivent parcourir de longues distances pour comparaître en personne.

En fait, le report systématique des causes pour de courtes périodes qui ne sont pas exigées par la loi et qui ne permettent pas de façon réaliste d’effectuer quelque progrès que ce soit (p. ex., fixer des remises pro forma de façon routinière aux deux semaines) risque de nuire à la progression d’un dossier et de causer des délais inattendus, tout en faisant perdre un temps précieux au tribunal.

À l’inverse, la fréquence réduite des comparutions devant les tribunaux et la communication d’attentes claires quant aux étapes à franchir avant et pendant la prochaine comparution pourraient permettre de réaffecter à d'autres causes le temps et les efforts que les juges et le personnel judiciaire consacrent à des comparutions inutiles. Cela donne en outre aux parties ou à leurs avocats une occasion réaliste de prendre les mesures nécessaires entre chaque comparution pour s'assurer que leur dossier progresse efficacement, par exemple en examinant la preuve et en ayant des discussions utiles avec leur client et la partie adverse.

Lorsqu’une action particulière est requise pour faire avancer une cause, mais pourrait s’effectuer soit avec un minimum de supervision judiciaire soit à distance, les tribunaux pourraient aussi envisager des solutions de rechange viables aux comparutions en personne. Parmi les exemples courants de pratiques adoptées dans différents ressorts pour traiter diverses demandes de nature procédurale, administrative ou par consentement, on note :

  • les demandes par écrit ou au vu du dossier pour les procédures simples qui n’exigent pas de communiquer avec les parties;
  • les demandes soumises par voie électronique (p. ex. par courriel, formulaire électronique ou application) pour certaines étapes administratives, telle la fixation de dates d’audience;
  • le dépôt administratif de formulaires conjoints ou par consentement;
  • les comparutions virtuelles par voie de vidéoconférence ou de téléconférence lorsque cela est approprié, en tenant compte de l’accès à la technologie pour les participants à l’audience.

10. Optimiser les processus de gestion du volume de causes et éliminer les inefficacités administratives

Les processus administratifs liés au traitement judiciaire des dossiers, y compris les pratiques de dépôt de documents et les fonctions du greffe, sont souvent trop compliqués ou lourds pour atteindre l’objectif qu’ils visent.

  • La « gestion du volume de causes » désigne le processus, y compris le temps requis et les étapes nécessaires, pour gérer l’ensemble des causes ou le volume des dossiers au sein du système judiciaire. La magistrature et le personnel d’administration du tribunal assument habituellement la responsabilité partagée de la gestion du volume des causes.

L’identification et l’élimination des processus inutiles ou redondants, la simplification des processus complexes et l’automatisation de certains processus courants peuvent grandement contribuer à réduire les délais de traitement pour le personnel judiciaire et la magistrature tout en améliorant l’accès à la justice, surtout pour les justiciables non représentés. Ces gains d’efficacité pourraient aider à réaffecter les efforts là où ils sont le plus nécessaires, conformément aux autres principes énoncés dans le présent document.

Ainsi, dans le cadre de l’élaboration de leur stratégie de réduction des engorgements et des délais, les tribunaux pourraient trouver utile de revoir les processus existants en consultation avec le personnel judiciaire, d’autres intervenants de la justice et les utilisateurs finaux en vue cerner d’éventuelles zones d’améliorations. Une telle étape est particulièrement importante lorsqu’on cherche à transposer des processus dans un environnement virtuel. Voici quelques questions utiles pour évaluer les processus existants :

  • Quelle est l’origine de ce processus – d’où provient-il?
  • Pourquoi ce processus existe-t-il – quel est son objectif ou sa raison d’être?
  • Cet objectif ou cette raison d’être sont-ils toujours valides – devrait-on continuer à chercher à s’y conformer? Sinon, y a-t-il lieu d’éliminer le processus en question?
  • Si l’objectif recherché demeure valide, le processus en question permet-il de l’atteindre efficacement?
    • Le cas échant, de quelle façon? Ce processus pourrait-il être simplifié ou amélioré?
    • Sinon, pourquoi le processus n’est-il pas efficace? Devrait-il être éliminé entièrement ou pourrait-il être adapté pour mieux rencontrer l’objectif désiré?
  • S’il y a lieu d’éliminer le processus en question, quelles sont les mesures requises pour y arriver? Par exemple, y a-t-il lieu de modifier les règles de cour? Des processus de remplacement devraient-ils être mis en œuvre?
  • S’il y a lieu de maintenir le processus en question, quelles mesures devrait-on prendre pour le simplifier ou l’améliorer davantage et pour le transposer dans un environnement virtuel, le cas échéant?

11. Partager ou mettre en commun les ressources judiciaires

Bien que le partage ou la mise en commun de ressources judiciaires aient existé dans une certaine mesure avant l’arrivée de la COVID-19, la pandémie a favorisé une collaboration accrue entre différentes localités d’une province ou d’un territoire, ou même avec des ressorts voisins. Une telle collaboration peut viser à optimiser l’affectation des ressources, à centraliser certains services lorsque la situation s’y prête, et à injecter une plus grande souplesse pour mieux desservir les différentes localités, y compris les collectivités nordiques et éloignées où les tribunaux ou les services judiciaires ne sont pas établis de façon permanente ou ne sont pas toujours disponibles.

Par exemple, pendant la pandémie, certains ressorts ont mis en place des centres de services ou de justice virtuels desservant de multiples collectivités ou ont fait appel à des juges surnuméraires ou à la retraite et provenant d’autres districts pour mener certains processus judiciaires, comme des conférences de règlement. Même avant la pandémie, des juges invités aidaient d’autres localités à traiter certains dossiers ou types de procédures judiciaires, selon le cas, pour combler le manque d’effectifs judiciaires.

Dans le cadre de leurs stratégies proactives pour réduire les engorgements et les délais, les tribunaux pourraient tirer profit de ces pratiques réussies en renforçant et structurant davantage les relations de travail collaboratives nouvelles ou préexistantes entre différentes régions et différents intervenants, dont les juges et le personnel judiciaire. Par exemple, des termes de référence ou des protocoles qui officialisent de telles relations pourraient contribuer à évaluer les besoins locaux et à repérer des sources d’aide possibles à un moment précis. Une liste de juges surnuméraires ou à la retraite auxquels on peut faire appel à court préavis ou pour certains types de procédures pourrait pallier le manque d’effectifs judiciaires, qu’il soit urgent ou systémique, selon l’évolution des besoins.