RECUEILLIR LES POINTS DE VUE DES USAGERS POUR SOUTENIR LE FONCTIONNEMENT EFFICACE DU SYSTÈME JUDICIAIRE
Déclaration du Comité d’action
Notre Comité appuie les tribunaux canadiens dans leurs efforts de modernisation. Il fournit des conseils pour relever les défis et met en évidence les possibilités et les pratiques novatrices visant à moderniser les activités des tribunaux et à améliorer l’accès à la justice pour les usagers des tribunaux.
1. Contexte et renseignements généraux
Comme il est indiqué dans le document accompagnant la présente publication, intitulé Comprendre la justice axée sur l’usager, pour améliorer l’accès à la justice, les décisions concernant les activités des tribunaux doivent être prises à la lumière des besoins et des points de vue des usagers, dont les plaideurs, les victimes et les témoins. Il existe de nombreuses façons de connaître les points de vue des usagers des tribunaux, et l’utilisation de différentes méthodes aidera les dirigeants du système judiciaire à recueillir des données probantes pour mieux comprendre ce qui fonctionne bien dans leurs tribunaux et recueillir des idées en vue de réformer les éléments à améliorer.
2. Consultation des usagers
Un tribunal peut s’informer sur les points de vue des usagers de diverses façons, selon la nature et la portée de l’initiative ou de la réforme, les ressources disponibles, la population qu’il vise et les types de renseignements qu’il cherche à recueillir. Il n’est pas toujours nécessaire de recourir à un processus de consultation proactif pour recueillir les points de vue des usagers. Les lettres spontanées ainsi que les plaintes ou les demandes d’information adressées au personnel du greffe au sujet de l’expérience des usagers, et l’observation de l’interaction des usagers des tribunaux avec le système peuvent fournir de précieux renseignements. Pour comprendre l’expérience vécue par les usagers dans les tribunaux, il peut être utile d’examiner les données qui ont déjà été recueillies par le tribunal, ou par des universitaires, la société civile et le gouvernement.
Ces méthodes peuvent grandement aider un tribunal à mieux comprendre les besoins et les désirs des usagers, mais parfois une approche ciblée sera requise pour recueillir l’information nécessaire à la prise de décisions appropriées. À la base, une stratégie de consultation pourrait consister à publier un court sondage sur le site Web du tribunal dans le but d’interroger les usagers sur leur expérience. Toutefois, si un tribunal souhaite obtenir des commentaires sur un large éventail de sujets ou des commentaires en vue d’orienter les réformes, il pourrait s’avérer nécessaire d’organiser une séance publique, de mener un sondage écrit approfondi, de réaliser des entrevues individuelles ou de constituer un groupe de discussion de personnes concernées.
Toutes les méthodes de collecte d’information fonctionnent mieux lorsqu’elles sont combinées à d’autres. Par exemple, le fait de commencer par quelques entrevues à questions ouvertes peut aider à cerner des tendances ou les thèmes qui peuvent ensuite être explorés auprès d’un plus grand nombre de personnes dans le cadre d’un sondage. Des groupes de discussion ou des entrevues auprès de répondants sélectionnés pourraient être utilisés pour ajouter des données qualitatives aux renseignements quantitatifs recueillis dans le cadre d’un sondage initial, ou pour valider les hypothèses contenues dans les rapports sur les défis dans le secteur de la justice. La combinaison des commentaires des usagers, peu importe comment ils ont été obtenus, et de l’auto-évaluation ou de l’observation directe peut également faciliter l’évaluation du succès d’une initiative.
2.1 Considérations générales
Quelle que soit la méthode (ou les méthodes) de consultation choisie, certaines considérations courantes en matière de conception s’appliquent à l’élaboration d’une stratégie de consultation.
2.1.1 Collecte de données qualitatives et quantitatives
Quand l’on recueille les points de vue des usagers, il est important d’obtenir des données qualitatives et quantitatives. Les données quantitatives, qui prennent la forme de chiffres et de valeurs, aident à donner une idée de l’importance ou de la proportion. Les données qualitatives, en revanche, sont descriptives et servent à comprendre les causes et les considérations sous-jacentes. Il est important de connaître le type d’information qui sera fourni en fonction des questions posées.
- Les questions de sondage qui utilisent une échelle d’évaluation ou des cases à cocher produiront des données quantitatives. Par exemple, elles peuvent indiquer le nombre d’usagers qui sont satisfaits des processus du tribunal ou le nombre de fois qu’un usager a comparu devant un juge avant que son affaire ne soit réglée. Lorsqu’elles sont recueillies de façon continue, les données quantitatives peuvent aider à déterminer si un résultat anticipé s’est matérialisé. Par exemple, si un tribunal a modifié ses processus dans le but d’améliorer le taux de satisfaction des usagers, il peut utiliser des évaluations numériques de la satisfaction avant et après la modification pour savoir si le taux de satisfaction s’est effectivement accru.
- Les données qualitatives proviennent de questions ouvertes. Ces questions donnent aux usagers la latitude nécessaire pour expliquer leurs réponses quantitatives et sont importantes à la fois pour permettre aux usagers de raconter ce qu’ils ont vécu et pour tester les hypothèses sur la causalité. Par exemple, bien qu’une question de type « case à cocher » puisse indiquer si le degré de satisfaction des usagers a changé, elle ne permettra pas d’en comprendre les raisons sans questions qualitatives. Sans questions ouvertes, un tribunal peut se priver d’un contexte important pour guider ses réformes.
Les sondages écrits peuvent être conçus pour recueillir des données quantitatives ou qualitatives, tandis que les approches personnelles telles que les entrevues ou les groupes de discussion sont plus efficaces pour recueillir des renseignements qualitatifs.
2.1.2 Élaboration de questions efficaces
La façon dont les questions sont élaborées peut avoir une incidence sur le succès d’un processus de consultation. Voici quelques conseils à garder à l’esprit :
- Utiliser un langage simple, clair et neutre. Faire attention aux questions suggestives et éviter les phrases négatives ou les mots qui suscitent des émotions.
- S’assurer que toutes les questions recourant à une échelle comprennent des choix positifs, neutres et négatifs équivalents. Par exemple, le répondant peut être invité à indiquer s’il est fortement en accord, en accord, ni en accord ni en désaccord, en désaccord ou fortement en désaccord avec une déclaration.
- Être précis et éviter les termes vagues qui pourraient être interprétés différemment d’une personne à l’autre. Songer à définir brièvement les termes afin que tous les répondants aient la même compréhension des mots employés.
- S’il y a lieu, inclure une période de référence pour situer la question dans le temps, comme « au cours des douze derniers mois » ou « la dernière fois que vous êtes allé(e) au comptoir du greffe ».
- Donner la possibilité aux participants de nuancer ou de développer leurs réponses.
Des questions utiles peuvent être tirées de sondages menés ailleurs. Parmi les modèles qui peuvent être inspirants, mentionnons Can Courts be more User-Friendly?, du Center for Court Innovation, How Satisfaction Surveys can Promote Trust and Access to Justice et Court Voices Project, du State Justice Institute des États-Unis (tous en anglais seulement).
2.1.3 Structuration de la consultation
En plus de poser des questions claires, il est important de tenir compte de la façon dont elles sont présentées, ainsi que des renseignements supplémentaires qu’il conviendrait de fournir aux participants.
- Il importe de réfléchir à la façon de limiter le plus possible les torts que le processus de consultation pourrait causer aux usagers des tribunaux. Le fait de mettre l’accent sur le respect, la responsabilisation et la transparence dans le cadre de la conception et de la réalisation de la consultation peut aider à ne pas faire renaître un traumatisme chez les usagers ou à ne pas faire en sorte qu’ils se sentent obligés de répondre en raison du déséquilibre de pouvoir entre le tribunal et eux. Des mesures peuvent être prises comme l’élaboration d’un plan de protection de la vie privée et le fait de porter une attention particulière aux vulnérabilités potentielles des usagers qui seront consultés.
- Il convient de commencer par fournir un bref énoncé expliquant l’objectif de la consultation, les paramètres applicables aux commentaires recherchés, les personnes qui verront les données et la manière dont les renseignements recueillis seront stockés, agrégés et utilisés. Cet énoncé remplit deux fonctions. Premièrement, il informe les participants de la façon dont seront divulgués les renseignements qu’ils transmettent. Deuxièmement, il permet d’éviter une mauvaise compréhension de la portée du projet, qui pourrait rendre les participants moins disposés à participer à l’avenir, dans l’éventualité où ils seraient déçus que leurs suggestions ne soient pas prises en compte dans un rapport final ou des réformes ultérieures.
- Il est préférable de commencer par des questions générales, puis de poser des questions plus précises. Dans tous les formats, mais surtout dans les groupes de discussion et les entrevues, cette approche peut favoriser la confiance des participants et les rendre plus à l’aise lorsqu’ils devront répondre à des questions plus difficiles.
- Il importe de décider s’il faut inclure des questions démographiques et, le cas échéant, s’il faut prévoir une option « préfère ne pas répondre ». Ces questions peuvent aider à déceler les tendances et à savoir qui utilise les services faisant l’objet de la consultation. Cependant, elles peuvent également alourdir le sondage ou décourager la participation de personnes qui ne sont pas à l’aise de divulguer des renseignements personnels avec leurs commentaires.
2.1.4 Consultation des usagers autochtones et des usagers marginalisés des tribunaux
Il est important de demander l’avis de tous les usagers des tribunaux, mais ceux qui ont le plus de difficulté à accéder à la justice peuvent être les plus difficiles à joindre. À ce titre, le tribunal aurait peut-être avantage à accorder une attention particulière à cet aspect pour s’assurer qu’il entend les Autochtones des communautés urbaines et éloignées et les usagers marginalisés des tribunaux.
- Il est possible de travailler avec les organismes communautaires pour joindre les groupes marginalisés. En ce qui concerne les groupes qui peuvent se méfier des institutions du secteur de la justice et qui sont surreprésentés dans le système de justice pénale, comme les communautés autochtones et noires, il est souvent préférable que les personnes qui entretiennent déjà des relations de confiance avec eux dirigent la consultation. De plus, le fait de travailler avec les groupes et les réseaux existants peut minimiser la pression supplémentaire que les consultations pourraient exercer sur les membres de la collectivité ayant des horaires chargés.
- Dans la mesure du possible, il est préférable de rencontrer les communautés autochtones sur leur propre territoire et de veiller à avoir suffisamment de temps pour les écouter et engager un dialogue constructif. Il est notamment possible de revenir dans la communauté pour raconter de ce qui a été dit pendant les consultations et expliquer la façon dont cette information sera utilisée.
- Il convient de réfléchir à la façon de donner la parole aux accusés ou aux personnes déclarées coupables qui sont en détention.
2.2 Méthodes de consultation précises
Il existe de nombreuses façons de consulter les usagers des tribunaux. Dans certaines situations, il peut être judicieux de fournir aux répondants les options qui s’offrent à eux pour répondre aux questions. Par exemple, certains participants peuvent préférer répondre à un sondage écrit tandis que d’autres aimeraient mieux participer à une entrevue au cours de laquelle un intervieweur leur posera les questions et enregistrera leurs réponses. À l’Annexe 1 figure une liste des éléments à considérer pour faciliter le choix des méthodes de consultation pour une situation donnée.
2.2.1 Sondages écrits
Les sondages sont l’un des moyens les plus couramment utilisés par les institutions, y compris les tribunaux, pour recueillir les commentaires des usagers. Leur complexité peut varier de quelques courtes questions, accessibles en tout temps sur le portail Web du tribunal, qui visent à connaître l’expérience des usagers à un questionnaire plus long et plus ciblé conçu pour obtenir des commentaires sur une procédure ou une initiative précise.
Points forts de cette méthode
- Bien que leur préparation puisse exiger beaucoup de travail, les sondages peuvent nécessiter moins de ressources que d’autres méthodes de consultation, surtout lorsqu’ils sont effectués en ligne. Les résultats des sondages en ligne qui ne comportent pas de questions ouvertes peuvent être compilés automatiquement.
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Ils sont efficaces dans les situations où l’objectif est l’un des suivants :
- Avoir une idée générale du niveau de satisfaction des usagers, déceler les problèmes globaux liés à la prestation des services ou peaufiner l’approche une fois que l’orientation générale de la réforme a été établie.
- Rassembler le genre de renseignements qui peuvent être obtenus à l’aide d’une échelle de réponses ou d’autres réponses de type « case à cocher ». Il peut s’agir, par exemple, de demander aux usagers des tribunaux d’évaluer leur satisfaction à l’égard des processus judiciaires ou de classer les différents services en fonction de leur importance.
- Recueillir des commentaires sur le même sujet de façon continue auprès de différents usagers. Les commentaires continus peuvent permettre de déceler des tendances à l’égard de sujets tels que la satisfaction des usagers ou les délais de service.
Points faibles de cette méthode
- Comme elle n’offre pas d’interaction directe avec le répondant, cette méthode ne permet pas de préciser les réponses ou de faciliter l’établissement de relations.
- Le mode de distribution impersonnel peut rendre difficiles à la fois la collecte d’un grand nombre de réponses et la communication avec les usagers marginalisés des tribunaux.
- En l’absence de données démographiques, il peut être difficile de savoir si les résultats du sondage reflètent l’opinion de la population que le tribunal dessert.
Conseils concernant l’élaboration et la réalisation
Lorsqu’il planifie un sondage auprès des usagers, le tribunal aurait avantage à suivre les recommandations suivantes :
- Rendre les sondages accessibles par divers moyens. Il peut s’agir d’offrir des versions papier au bureau du greffe, de mener une campagne éclair au cours de laquelle le personnel remet des exemplaires du sondage aux gens et les encourage à y répondre sur place, ou de distribuer un lien vers le sondage en ligne par l’entremise des communications du tribunal, de son site Web ou de ses comptes de médias sociaux.
- Veiller à ce que les sondages soient courts et simples. Une fois qu’une ébauche a été élaborée, déterminer si toutes les questions sont nécessaires et soumettre le questionnaire à une simulation avec le personnel judiciaire ou d’autres collaborateurs.
- Laisser un espace pour les remarques ouvertes afin que les répondants puissent développer ou nuancer leurs réponses s’ils le souhaitent.
- Choisir des sondages qui utilisent une échelle de Likert (par exemple, une note sur une échelle de 1 à 5) pour recueillir des renseignements quantitatifs (des chiffres). Ce type de question peut aider à comprendre le niveau de satisfaction des usagers ou la perception du grand public à l’égard des services de justice, et il est facile de rassembler les données de multiples sondages pour avoir une idée globale du travail du tribunal.
- Utiliser des questions de sondage plus longues pour recueillir davantage de renseignements qualitatifs (des récits), qui sont essentiels pour comprendre les motifs de satisfaction ou d’insatisfaction ou les raisons qui sous-tendent les points de vue ou les priorités dont fait part un usager donné.
- Si les gens sont invités à répondre au sondage sur-le-champ, leur offrir un petit incitatif pour participer, comme un café ou une petite carte-cadeau.
2.2.2 Séances publiques
La tenue d’une journée portes ouvertes ou d’une séance publique peut permettre de communiquer des renseignements sur les activités d’un tribunal et de donner l’occasion de faire des commentaires. Si l’objectif d’une séance publique est d’établir des liens avec la communauté, les responsables du tribunal peuvent décider d’inviter les participants à faire des commentaires sur tout sujet auquel ils pensent. Toutefois, si l’objectif est de recevoir des commentaires sur un changement qui a été récemment apporté ou qui doit être apporté aux processus, ils peuvent vouloir poser des questions plus ciblées à propos de l’intérêt, des priorités ou de l’expérience des participants.
Points forts de cette méthode
- Elle peut permettre d’atteindre de nombreux répondants, surtout si la séance est ouverte au public.
- Elle permet de créer une relation réciproque avec les participants, car la demande de commentaires est combinée à la communication de renseignements par le tribunal.
- Elle peut donner l’occasion au public de parler de n’importe quel sujet, sans les contraintes qu’imposent des questions préétablies.
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Elle est efficace dans les situations où l’objectif est l’un des suivants :
- Présenter un changement qui doit être apporté ou qui a récemment été apporté aux procédures judiciaires.
- Communiquer des renseignements et recevoir des commentaires.
- Entendre les commentaires d’autant de personnes que possible.
- Donner l’occasion aux gens de la communauté de faire librement part de leurs commentaires.
Points faibles de cette méthode
- En raison de la nature ouverte et de l’envergure potentielle d’une séance publique, il est possible que des participants ne soient pas à l’aise de parler de leur expérience ou n’aient pas le temps d’exprimer tout ce qu’ils souhaitent dire.
- Elle peut ne pas permettre de demander des éclaircissements sur un commentaire.
- Si les participants s’expriment librement, elle peut causer de la frustration, car il se pourrait que le tribunal ne mette finalement pas en œuvre certaines idées, faute de pouvoir le faire.
Conseils concernant l’élaboration et la réalisation
Lorsqu’il planifie une séance publique, le tribunal aurait avantage à suivre les recommandations suivantes :
- Envoyer des invitations ciblées aux représentants de groupes précis dont il souhaite obtenir le point de vue, en plus d’une invitation au public en général.
- Établir des paramètres concernant les commentaires avant de donner la parole aux participants de manière à gérer leurs attentes.
- S’assurer d’offrir aux participants un moyen de savoir ce qui est fait à partir de leurs commentaires, par exemple un rapport sur ce qui a été appris.
2.2.3 Groupes de discussion
Un groupe de discussion est un petit groupe de personnes qui participent à une discussion dirigée. Diverses méthodes et divers outils peuvent être utilisés pour faciliter une telle discussion. Les groupes ciblés peuvent également être invités à faire l’essai de nouveaux produits, tels que des portails et d’autres services en ligne.
Points forts de cette méthode
- Elle permet de cibler un groupe précis, ce qui peut être utile pour recueillir des renseignements sur les besoins d’un groupe d’usagers en particulier ou permettre au tribunal de mieux comprendre des besoins et des préférences.
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Elle est efficace dans les situations où l’objectif est l’un des suivants :
- Aborder des sujets complexes qui exigent de demander des éclaircissements.
- Générer des idées : les participants peuvent renchérir sur les réponses des autres.
Points faibles de cette méthode
- Le tribunal devra demander à des membres du personnel de diriger les séances des groupes de discussion ou embaucher une personne à cette fin.
- Les participants peuvent devoir consacrer plusieurs heures au groupe de discussion pour que l’exercice soit le plus efficace possible, ce qui peut dissuader les personnes dont l’horaire est chargé.
Conseils concernant l’élaboration et la réalisation
Lorsqu’il élabore une discussion de groupe, le tribunal aurait avantage à suivre les recommandations suivantes :
- Rencontrer chaque groupe séparément avant de réunir des groupes aux points de vue opposés. Ces rencontres séparées donnent l’occasion de voir en quoi les perspectives et les intérêts divergent et convergent, et elles peuvent aider à parvenir à un consensus lorsque les deux parties sont réunies pour régler un problème commun.
- Examiner s’il sera plus efficace de rencontrer le groupe de discussion en personne ou virtuellement. Les réunions virtuelles peuvent faciliter la participation, surtout si les participants potentiels sont dispersés géographiquement. Cependant, les interactions en personne avec les personnes consultées peuvent aider à établir la relation requise.
- Envisager d’embaucher un tiers pour que celui-ci dirige les groupes de discussion, en particulier dans les situations où la neutralité de l’animateur peut ajouter de la crédibilité aux conclusions.
2.2.4 Entrevues
Les entrevues sont un échange entre deux personnes visant à recueillir des renseignements. Elles peuvent donner l’occasion de demander des éclaircissements afin de comprendre les raisons derrière les réponses initiales.
Points forts de cette méthode
- Elles peuvent donner l’occasion de recueillir des commentaires sur les besoins d’un groupe d’usagers en particulier ou permettre au tribunal de mieux comprendre les besoins et les préférences des usagers.
- Elles donnent l’occasion d’écouter et de s’écarter des formules convenues, ce qui peut être particulièrement utile pour obtenir des commentaires des Autochtones, qui peuvent avoir du mal à raconter toute leur histoire dans le cadre d’un questionnaire linéaire préétabli, ou des usagers des tribunaux qui ont des besoins particuliers en matière de communication, comme ceux qui ont un trouble cognitif, un trouble de l’audition ou un trouble de la parole, ou ceux dont la langue maternelle n’est ni l’anglais ni le français.
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Elle est efficace dans les situations où l’objectif est l’un des suivants :
- Aborder des sujets complexes qui exigent de demander des éclaircissements.
- Aborder des sujets sensibles qui suscitent de fortes émotions et dont les participants peuvent ne pas être à l’aise de parler devant d’autres personnes.
- Recueillir des renseignements qualitatifs sur la satisfaction des usagers, notamment pour comprendre les raisons derrière une réponse initiale.
- Établir des relations, car une rencontre entre deux personnes permet davantage d’échanger ouvertement.
Points faibles de cette méthode
- Le tribunal devra demander à des membres du personnel de mener les entrevues ou embaucher une personne à cette fin.
- Il peut être long, surtout sans formation, de dégager un sens des renseignements fournis en entrevue.
Conseils concernant l’élaboration et la réalisation
Lorsqu’il élabore des entrevues, le tribunal aurait avantage à suivre les recommandations suivantes :
- Collaborer avec une faculté de droit ou un universitaire afin d’obtenir de l’aide pour mener les entrevues.
- S’assurer que la personne qui mène les entrevues ait reçu une formation sur les approches tenant compte des traumatismes, s’il y a lieu.
- Envisager d’embaucher un tiers qui mènera les entrevues, en particulier dans les situations où la neutralité de l’animateur peut ajouter de la crédibilité aux constats.
3. Des exemples inspirants
De nombreux responsables de tribunaux au Canada ont communiqué avec diverses personnes et organisations, y compris des usagers, pour connaître leur expérience. Les renseignements recueillis dans le cadre de ces consultations ont permis de mieux comprendre ce que les tribunaux font bien et ce qui doit être amélioré pour accroître l’accès des Canadiens à la justice.
3.1 Sonder les usagers sur les mesures d’adaptation liées à la pandémie (Cour d’appel de la Colombie-Britannique)
Au cours de l’été 2021, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a mené un sondage auprès des usagers pour faire le bilan de leur expérience relativement aux mesures d’adaptation liées à la pandémie. L’objectif était d’étayer les décisions à long terme concernant les nouveaux processus à conserver alors que les mesures de santé publique étaient levées. Habituellement, la Cour recueille ponctuellement ou progressivement des commentaires sur les changements apportés à ses procédures par l’intermédiaire de lettres envoyées au greffe ou d’autres moyens de communication informels. Cependant, comme les changements liés à la pandémie étaient radicaux et de grande ampleur, la Cour voulait s’assurer à la fois que ses communications destinées aux usagers sur les processus judiciaires étaient efficaces et qu’elle comprenait la façon dont ces processus étaient considérés.
Le sondage a été élaboré par un petit groupe de juges, avec l’appui du greffier, puis distribué en ligne à l’aide de l’application Google Forms. La Cour a également accepté les réponses imprimées et les a saisies dans le système en ligne afin de regrouper tous les résultats. En élaborant le sondage, la Cour a combiné des questions ouvertes et des questions fermées, et les auxiliaires juridiques en ont fait l’essai pour s’assurer qu’il n’était pas trop long. Le sondage a été accessible pendant trois mois et le lien vers celui-ci a été annoncé dans les médias sociaux et sur le site Web de la Cour ainsi que sur des affichettes sur le comptoir du greffe.
La Cour a reçu de diverses personnes 120 réponses qui, une fois compilées, l’ont aidée à cerner les tendances dans les préférences des usagers en vue de conserver, d’éliminer ou de modifier les procédures mises en place pendant la pandémie. Le sondage a été un moyen efficace de savoir comment les récents changements de la Cour étaient considérés et il a été un élément clé pour étayer les décisions concernant les nouvelles solutions technologiques qui seraient conservées.
3.2 Consulter les usagers pour déterminer les options de réforme (modernisation du droit de la famille au Manitoba)
Les groupes de discussion ont été un élément important de la récente stratégie de consultation relative à la modernisation du droit de la famille du Manitoba. S’inspirant de plusieurs méthodes de consultation, l’équipe de modernisation du droit de la famille a élaboré, conjointement avec les Manitobains, des solutions en matière de services de justice familiale. Après une première série de consultations, l’équipe a décrit le parcours des clients en droit de la famille dans le système de justice, puis a utilisé ces descriptions pour élaborer une stratégie et un projet de loi.
Cette stratégie a orienté deux séances supplémentaires d’une demi-journée qui visaient à aborder les enjeux relevés au cours de la première phase. Parmi les participants à ces séances, il y avait des spécialistes, des personnes qui vivent une séparation ou un divorce, des personnes intéressées n’ayant aucun lien avec le sujet et des organismes qui représentaient des clients ayant des besoins d’accès particuliers.
Au cours des séances, les participants ont pris part à diverses activités qui ont généré près de 250 idées visant à améliorer l’accès à la justice familiale. En définissant clairement la portée du projet, l’équipe a tenté de s’assurer que toutes les idées générées au cours des séances de consultation pourraient être examinées.
À l’issue de l’examen des idées, six « grandes lignes » ont été dégagées en vue de la réforme : une application Web réactive; des échéanciers, des incitatifs et des pénalités; du soutien et de la formation pour les parents; du soutien et de l’éducation pour les enfants; la médiation obligatoire; et une amélioration de la coordination des services. Les séances de consultation ont permis au gouvernement de relever à la fois des problèmes et des solutions qui n’auraient peut-être pas émergé s’il n’avait consulté que des professionnels du système de justice familiale.
De plus amples renseignements sur la réforme du droit de la famille au Manitoba sont fournis dans l’étude de cas du Comité d’action sur ce sujet. De même, de plus amples renseignements sur l’exercice de consultation publique sur la modernisation du droit de la famille se trouvent dans le rapport sur ce processus.
3.3 Rechercher les voix absentes (comité sur l’accès virtuel à tous les tribunaux de la Nouvelle-Écosse)
Pendant la pandémie, les tribunaux de la Nouvelle-Écosse ont mis sur pied un comité sur l’accès virtuel à tous les tribunaux chargés de superviser le lancement des procédures judiciaires entièrement virtuelles dans la province. Préoccupé par les effets de la transition vers des instances virtuelles sur les usagers des tribunaux traditionnellement marginalisés, le comité a lancé une étude visant à recueillir les points de vue de ces usagers. Le comité a collaboré avec Pro Bono Dalhousie de la faculté de droit Schulich afin de travailler avec trois étudiants bénévoles à la collecte de commentaires de la communauté au moyen d’un questionnaire élaboré par les membres de la magistrature faisant partie du comité. Ce questionnaire était court et axé sur les principaux objectifs de l’étude.
Le comité, avec l’appui du bureau de direction de la magistrature, a fourni aux étudiants chargés des entrevues un texte à lire lorsqu’ils communiqueraient avec les organismes communautaires travaillant avec les groupes ciblés. Les étudiants ont également reçu des messages clés visant à orienter les échanges et à veiller à ce que les participants comprennent la portée de l’étude et la façon dont le comité envisageait d’utiliser les renseignements recueillis. Les étudiants ont rencontré régulièrement le responsable de l’étude afin que tout problème soit réglé. Les participants pouvaient choisir de répondre aux questions de vive voix au cours d’une courte entrevue ou par écrit. Finalement, l’un des plus grands défis a été de trouver des participants à l’étude, mais des dirigeants communautaires habitués de soutenir les usagers des tribunaux ont fourni des renseignements précieux qui ont été utilisés pour combler cette lacune.
Un résumé de ce qui a été appris présente les éléments importants du rapport complet produit par les étudiants bénévoles (en anglais seulement). Cette étude a permis d’obtenir des renseignements précieux pour guider l’élaboration des plans de modernisation post-pandémie des tribunaux de la Nouvelle-Écosse.
3.4 Prendre l’habitude de recueillir les commentaires des usagers (Direction des services judiciaires de la Colombie-Britannique)
En plus des sondages et des évaluations officielles des services et des programmes, la direction des services judiciaires de la Colombie-Britannique mène des entrevues informelles – qu’elle appelle des « interventions » – afin de recueillir instantanément les commentaires des usagers des tribunaux. Ces commentaires sont sollicités juste après les interactions des usagers avec les tribunaux, quand leur expérience est encore fraîche dans leur mémoire. Le personnel chargé des interventions pose de brèves questions, notamment pour connaître le but de la visite de la personne ce jour-là et savoir si elle a eu besoin d’aide pour remplir des formulaires. Un petit cadeau, comme une carte-cadeau à échanger contre du café, est offert aux participants pour les remercier de leur temps.
ANNEXE 1 :
ÉLÉMENTS À CONSIDÉRER AVANT DE CHOISIR UNE MÉTHODE DE CONSULTATION
Comme il est mentionné ci-dessus, une stratégie de collecte de commentaires efficace comprendra probablement plusieurs méthodes de consultation. Se poser les questions ci-après peut aider un tribunal à déterminer la ou les méthodes qui donneront les meilleurs résultats dans un contexte donné.
L’objectif est-il de recueillir des commentaires de façon continue ou par rapport à une période donnée? |
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Communication spontanée |
Sondages par écrit |
Séances publiques |
Groupes de discussion |
Entrevues |
À utiliser pour recueillir de façon continue des commentaires sur tout ce à quoi pensent les usagers. |
À utiliser pour recueillir des renseignements sur une initiative ou un événement en particulier. |
À utiliser pour obtenir des renseignements à un moment précis. |
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À utiliser pour recueillir de façon continue des commentaires sur l’expérience et la satisfaction des usagers. |
Qu’est-ce qui sera le plus utile : les récits ou les chiffres? |
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Communication spontanée |
Sondages par écrit |
Séances publiques |
Groupes de discussion |
Entrevues |
Les lettres et les autres canaux de communication spontanée permettent aux usagers de fournir autant de renseignements contextuels qu’ils le souhaitent. |
Utiliser les sondages avec une échelle de Likert (par exemple, des notes sur une échelle de 1 à 5) pour recueillir des renseignements quantitatifs qui pourront être facilement regroupés pour aider à comprendre la satisfaction ou l’expérience des usagers. |
À utiliser principalement pour poser des questions ouvertes. |
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Pour comprendre les motifs de la satisfaction ou de l’insatisfaction, utiliser un sondage composé de questions ouvertes qui permettront de recueillir plus de renseignements qualitatifs. |
À utiliser pour maximiser le nombre de personnes qui peuvent raconter leur expérience. |
À utiliser lorsque les relations sont un aspect important du processus de consultation. |
Quelles ressources peuvent être consacrées à la collecte des commentaires des usagers? |
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Communication spontanée |
Sondages par écrit |
Séances publiques |
Groupes de discussion |
Entrevues |
Il est possible d’utiliser relativement peu de ressources. |
Les exigences dépendront de l’ampleur du sondage : il pourrait y avoir moins de ressources à gérer qu’avec d’autres méthodes, mais l’élaboration peut exiger beaucoup de travail. |
Cette méthode, pour laquelle les besoins en ressources humaines sont relativement faibles, peut donner l’occasion de connaître le point de vue de nombreux répondants. |
Davantage de ressources peuvent être requises, sauf si ces méthodes sont utilisées ponctuellement ou à une échelle limitée. |
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Une collaboration avec une faculté de droit ou un universitaire pourrait être un moyen de réduire les exigences financières de ces méthodes. |
Y a-t-il des sous-groupes précis qu’il est important de joindre? |
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Communication spontanée |
Sondages par écrit |
Séances publiques |
Groupes de discussion |
Entrevues |
Il n’est pas possible de cibler des groupes en particulier. |
Il peut être difficile d’atteindre des groupes cibles précis. |
Il peut être difficile d’atteindre des groupes précis, sauf si la séance publique leur est destinée. |
Les chances d’atteindre des groupes cibles précis sont plus grandes. |
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Collaborer avec des intermédiaires de confiance dans la communauté pourrait aider à joindre les groupes qui sont marginalisés, qui ont des besoins particuliers ou qui se méfient du système de justice. |
Quelle est la nature du sujet à propos duquel des commentaires sont recherchés? |
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Communication spontanée |
Sondages par écrit |
Séances publiques |
Groupes de discussion |
Entrevues |
Les usagers peuvent faire des commentaires sur tout ce à quoi ils pensent. |
Cette méthode est bien adaptée aux questions pour lesquelles une échelle de réponses ou des cases à cocher sont appropriées. |
Les usagers peuvent faire des commentaires sur tout ce à quoi ils pensent. |
Ces méthodes sont efficaces lorsque les questions sont complexes et exigent de demander des éclaircissements. |
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Cette méthode est efficace pour présenter une initiative précise et recevoir immédiatement des commentaires à son sujet. |
Cette méthode est idéale pour générer des idées, car les participants peuvent renchérir sur ce que disent les autres. |
Cette méthode est appropriée pour aborder des sujets sensibles dont les participants pourraient ne pas être l’aise de parler devant d’autres personnes. |
- Date de modification :